Extrait du livre “La capoeira dévoilée” de Benjamin Golmard (Mestre Bem-te-vi)
“Capoeira, meu filho, é tudo que a boca come.”
Vincente Ferreira Pastinha, fils d’un Espagnol et d’une Bahiannaise descendante d’Africains, est né en 1889 à Salvador de Bahia.
Il fut initié dès l’âge de 8 ans à la capoeira par un Africain nommé Benedito, qui avait de la peine de le voir chaque jour martyrisé par un garçon de sa rue plus fort et plus âgé que lui. Pastinha apprit à se défendre vite et bien, tellement bien qu’à l’âge de 15 ans il était chargé de la sécurité d’une maison de jeux – et occasionnellement de prostitution – dans le quartier le plus chaud de la ville.
Pastinha était connu pour avoir en permanence sur lui une petite faucille à double tranchant, qu’il pouvait en cas de besoin placer au bout de son berimbau pour s’en servir comme d’une lance.
Même s’il était un capoeiriste expérimenté, Pastinha possédait une personnalité calme et tranquille, souriante et affable, qui lui valut d’être apprécié et estimé de tous ceux qui eurent la chance de le rencontrer. Artiste accompli, il était un excellent peintre, mais c’est dans la marine qu’il passa toute son adolescence et une partie de sa vie de jeune adulte.
En 1941, il ouvre au Pelourinho la première académie de capoeira traditionnelle, qu’il appelle Capoeira de Angola (pour la distinguer de la Regional de Mestre Bimba !), en référence à d’hypothétiques racines africaines de celle-ci.
Son “Centro Esportivo de Capoeira Angola” a pour emblème deux zèbres ruant l’un vers l’autre, hommage au N’golo des Bantous angolais, dont il pense que la capoeira est issue, ainsi qu’un uniforme noir et jaune, aux couleurs du club de foot d’Ypiranga, dont il est un fervent supporter !
Surnommé “le philosophe de la capoeira”, Pastinha publie en 1964 le livre Capoeira Angola, illustré par ses soins et agrémenté de ses réflexions personnelles, ainsi qu’un 33 tours excellent paru en 1969.
On lui doit notamment l’organisation de la “bateria” moderne (l’orchestre de la ronde) : 3 berimbaus, deux pandeiros, un atabaque, un agogô et un reco-reco, probablement du fait que Pastinha était employé de la municipalité de Salvador pour présenter la capoeira aux touristes sous forme de show. C’est cette même municipalité qui le dépossède de son académie en fin de vie, sous prétexte de la rénover avec la promesse de la lui restituer au plus vite, promesse jamais tenue : Pastinha meurt seul et aveugle dans un abri pour nécessiteux en 1981.
Surtout célèbre pour sa longévité exceptionnelle, Pastinha eut de nombreux disciples, dont les renommés Joao Grande et Joao Pequeno, mais il est avant tout considéré, avec Mestre Bimba, comme l’un des deux plus grands maîtres de capoeira du 20e siècle, l’un des deux pères fondateurs de la capoeira moderne.